Cela a-t-il changé depuis vos débuts ?
A la fin des années 1980, Antoine de Caunes et moi faisions une émission qui s'appelait 'Rapido', sur TF1. On pouvait très bien enchaîner un reportage sur Sting et un autre sur Blur à l'époque où ils débutaient. S'il fallait partir en Australie ou en Islande, on y allait. On avait un correspondant à Los Angeles, un autre à New York, à Londres… Tout ça a un coût. Ce genre d'émissions, économiquement, ne peut plus exister.
Les petites chaînes, celles de la TNT ou des bouquets satellites, peuvent-elles se permettre de prendre plus de risques ?
Seulement si elles en ont les moyens. Paris Première est une chouette chaîne qui réunit des gens très compétents. Mais elle n'a pas les moyens de ses ambitions. Ils viennent de consacrer une nuit aux Rolling Stones. Pour l'occasion, ils avaient acheté un document exceptionnel : le concert du groupe à Hyde Park en 1969. Et avec le reste de l'argent dont ils disposaient, c'est-à-dire rien, ils ont pris une enquête people sur le couple Mick Jagger-Jerry Hall et un documentaire de cinquante minutes dans lequel on voit les musiciens monter et descendre de leur avion sans jamais entendre une seule note de musique. L'actionnaire de Paris Première, M6 en l'occurrence, devrait donner plus d'argent. Sinon, trop de chaînes musicales se contenteront d'être des robinets à clips.
Il y a quelques années, vous aviez secondé Alain de Greef pour son bouquin 'Vous regardez trop la publicité'. La possible suppression de la pub sur France 2, qu'est-ce que cela vous inspire ?
Ça part d'une bonne idée mais ça s'est fait dans une totale improvisation. Christine Albanel, ministre de la Culture, n'était même pas au courant, Fillon non plus ! Dans son livre, Alain de Greef expliquait que, pour contrer la toute-puissance de TF1, il fallait privatiser France 2, puisqu'elle applique déjà une politique dans la lignée de celle de TF1 et qu'il s'agit de la seule chaîne capable de lui tailler des croupières. Hélas, je crains que les arrière-pensées politiques consistent en réalité à privatiser France 3 pour le vendre par morceaux à la presse quotidienne régionale. Je ne pense pas que ce soit une bonne solution. Mais à l'évidence, il faut supprimer la pub et augmenter la redevance. Comparée à celle que paient les Anglais, elle est ridiculement basse. Et globalement, le niveau de la télé publique en Angleterre est infiniment plus élevé qu'ici. Mais avec le prix de l'essence qui augmente, le pouvoir d'achat qui baisse, ce n'est pas le bon moment, aucun politique n'osera le faire.
Constatez-vous une différence entre l'offre culturelle de TF1 et celle des chaînes publiques ?
Oui, avec 'Tararata' ou les émissions de Drucker. Mais elles sont tellement esclaves de l'audience… On sait très bien que si les gens n'accrochent pas à une chanson, ils zappent. Tandis que Cauet qui raconte une blague de cul, c'est moins risqué parce qu'on sait qu'il en racontera une autre quinze secondes plus tard.
Vous suivez les émissions comme 'Star Academy' ou 'La Nouvelle Star' ?
Je n'en ai jamais regardé aucune, c'est même peut-être une faute professionnelle. Je vais enfoncer des portes ouvertes, mais ces programmes entraînent de gros dégâts humains, tous ces apprentis chanteurs qui jouent devant 15.000 personnes dans des Zénith avant de retomber dans l'anonymat. On crée des victimes en quantité industrielle. Pour me tenir au courant, j'écoute Jean-Marc Morandini sur Europe 1 et Lio m'en parle, c'est tout. Un ami m'a envoyé des liens YouTube pour que j'admire les prestations d'Amandine. Franchement, aux Etats-Unis, il y en a dix-sept millions comme elle.
Il y a donc peu de chances que vous fassiez partie du prochain jury…
Si, à condition qu'ils me lâchent un gros paquet d'argent ! (rires) J'ai 50 ans passés, j'ai l'intention de travailler encore trois ou quatre ans à Paris. Après, je me retirerai dans mes terres où je continuerai juste à écrire des bouquins…