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          LEGO CONTRE PLAYMOBIL En avant la bagarre !

          LEGO CONTRE PLAYMOBIL

          Cultes et cultures dérivés

          (c) DRLa Genèse selon Playmobil, (c) DRDans son rapport aux plus petits, le roi des briques filerait donc un mauvais coton. Mais dans la cour des grands, la figurine danoise n'a pas pris plus de rides que sa rivale. Avec plus de 2,2 milliards de bonshommes Playmobil vendus en trente-cinq ans contre 400 milliards de briques Lego depuis les années 1930, le couple imparfait a fini par créer deux civilisations à échelle gargantuesque, profondément ancrées dans la culture populaire. Aussi, avec la nostalgie, la mode rétro et la pop culture, les collectionneurs et les créations dérivées se multiplient. Si l'on élaborait, petits, des mondes imaginaires, on recrée désormais la réalité à travers Lego et Playmobil, pour mieux la détourner. Grâce à sa dégaine et sa célébrité, la figurine garantit un effet parodique immédiat. A commencer par un mouvement de satire, voire de perversion, des grands mythes religieux et culturels dont regorge aujourd'hui Internet. Si Lego se vante désormais d'un 'Brick Testament' illustré pas très chrétien (2), Playmobil a lui aussi revisité les Saints écrits dans une très controversée 'Playmobible' en ligne, imaginée par un pasteur allemand. (3) Ailleurs, les images de 'Joconde', de 'Jeunes filles à la perle' et de stars à têtes de "Leg/mobil" sont légion. En 2010, il semble donc tout aussi décalé et "pop" de voir la vie en Lego qu'en Playmobil. Une brèche chez les consommateurs adultes dont profitent les fabricants : en 2008, Lego s'offre un coup de pub en s'agrémentant d'une Amy Winehouse et d'une Madonna (hors vente), alors que Playmobil produit entre autres des kitschissimes crèches pour égayer le Noël des petits et des grands. La lutte continue. Entre la brique et la coupe au bol, il faut encore choisir.

          (c) DRLes toilettes publiques par Playmobil, (c) DRGrâce à sa maniabilité, Lego domine l'univers vidéo où il règne par le "Brickfilm". Clips de 'Bohemian Rhapsody', génériques des 'Simpson' et scènes cultes de cinéma revisités se reproduisent par milliers sur le Web. Et 2005 marque le moment de gloire, lorsque Michel Gondry réalise pour les White Stripes un clip ('Fell in love with a Girl'), starring des briques Lego en mouvement. (4)
          Le cocktail "Playmobil + détournement + culture populaire" donne, quant à lui, tout autre chose ; dû, entre autres, au réalisme accablant qu'a su conserver le jeu allemand au fil du temps. Un réalisme historique avant tout, qui permet à l'artiste Richard Unglik de réécrire en 2004 'La grande aventure de l'histoire' sous le signe du Playmobil, remontant du "Playmosapiens" à l'astronaute de la Playmospace. Playmobil n'édulcore pas la réalité, n'arrondit pas les angles. Au contraire, la marque aborde souvent des thèmes qui ne font pas forcément rêver : prosaïques (les toilettes publiques), ennuyeux (le contrôle de sécurité à l'aéroport), glauques (le bloc opératoire)… On frise même le "gore" avec le lanceur de couteaux, et son supplément stabilo rouge pour ceux qui voudraient "tuner" la petite assistante avec quelques gouttes de sang fluo. Sans mentionner le fossoyeur et la chambre de torture médiévale, proposés et prototypés mais finalement jamais mis en vente… Un côté morbide, inapproprié qui n'échappe pas aux amateurs du trash et de l'absurde. A l'image des photos parodiques de "Playmo-neutralisateurs-de-déchets-nucléaires" (oui, ça existe) signées Monochrome, collectif d'art contemporain. (5)

          Dis-moi à quoi tu joues et je te dirai qui tu es…

          Si, dans la contre-culture, Lego et Playmobil inspirent chez les adultes des réactions distinctes comme dans le jeu chez les enfants, au fond, le phénomène de leur starification dépasse largement leurs différents. Car c'est finalement dans la coexistence que Playmobil et Lego ont développé les identités personnelles et collectives de génération en génération. D'après The Economist, leur principe du "jouer bien", leur rejet, aussi, des thématiques militaires, en font un idéal purement Européen. Ensemble, ils sont entrés dans l'Histoire car ils ont reflété les moeurs, les idéaux, l'imagination - bref, l'histoire d'une Europe où des millions de gamins ont un jour choisi, comme Blutch, de vivre la vie en Lego ou en Playmobil. "J'ai toujours vécu par procuration, confie l'illustrateur. Et voilà, le Playmobil cow-boy, c'était mon transport." (6)

          (2) http://www.thebricktestament.com/
          (3) http://www.playmobible.org/
          (4) http://www.youtube.com/watch?v=XRDi67G0Siw
          (5) http://www.monochrom.at/spezialeinheit/
          (6)
          The Economist, avril 2008.
          (7) 'Playmotémoignage' de Blutch pour l'exposition 'Il était une fois Playmobil', au musée des Arts décoratifs jusqu'au 9 mai 2010.

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