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          REFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC La pub est morte, vive la pub !

          REFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

          Une manne pour les chaînes privées

          La recherche de parité basée sur une divergence de missions, de cibles et d'intérêts ne paraît pas crédible face aux réalités économiques. De même, oser affirmer, comme le fait régulièrement Nicolas Sarkozy, qu'il n'y a pas de différence entre l'audiovisuel public et privé est, selon les mots du président de France Télévisions, "faux, stupide et profondément injuste". Après l'annonce du 8 janvier, à la fermeture des marchés financiers, le cours de TF1 avait augmenté de 9,94 %, celui de M6 de 4,49 %. Ainsi, les larmes versées par les dirigeants des grandes chaînes (voir Le Monde du 26 juin 2008) ne sont que des larmes de crocodiles au vu de la manne financière que représente la répartition entre Canal +, TF1 et M6 de la part de recette publicitaire rendue par France Télévisions. 300 millions d'euros jusqu'en 2012 puis le double avec la suppression totale de la publicité dans l'audiovisuel public. Si Bertrand Méheut, PDG de Canal + et président de l'association des chaînes privées s'acharne à relativiser l'impact heureux pour TF1, M6 ou Canal + ("Nous ne nions pas qu'il y ait un aspect positif pour nous mais il faut être prudent, toute la publicité ne va pas se reporter sur les chaînes privées"), et à contester les calculs de la commission ("Ce n'est pas 450 millions mais 250 qu'il faut compenser (…). La commission ne s'est pas basée sur la réalité mais sur des contrats d'objectifs et de moyens"), (2) c'est probablement pour mieux dissimuler le cadeau fait aux chaînes privées. Que représentera la taxe de 0,3 % face à la répartition des recettes publicitaires, à l'annonce prochaine d'une deuxième coupure pub (environ 200 millions de gains pour TF1 et 65 millions pour M6) ? On ne s'étonnera donc pas des mines réjouies de Jean-Claude Dassier (directeur de l'information de TF1), Dominique Delport (directeur général d'Havas Media France) ou d'Étienne Mougeotte (ancien vice-président de TF1) qui n'hésitera pas dans un édito au Figaro, cynique et drôle à la fois, à exalter la fin de la "dictature de l'audimat". Son grand combat…

          Quoi qu'il en soit, même le président de France Télévisions, Patrick de Carolis, a engagé sa démission en annonçant le 2 juillet sur RTL qu' "à la fin de l'été, si le compte y est, je m'en féliciterai ; s'il n'y est pas, je prendrai mes responsabilités (…). Si à un moment donné, je vois que je n'ai pas la possibilité de faire mon travail, d'avoir les moyens de nos ambitions, je le dirai et je dirai : Stop."

          Les craintes

          Pendant ce temps, l'inquiétude règne dans le service public, à l'image de ces banderoles proclamant : "Hold-up sur l'audiovisuel public". Il faudrait, selon Gérard Noël, président de l'Union des annonceurs (UDA), une taxe de 25 % de l'ensemble des recettes publicitaires de TF1 et M6, au lieu des 3 % prévus, pour compenser les pertes publiques. Que vont devenir les 317 emplois de la régie publicitaire ? Quel avenir pour les producteurs indépendants rivés exclusivement aux commandes de France Télévisions ? Mais les craintes concernent également l'éditorial. Les rédacteurs(-trices) en chef et présentateur(-trices) parmi lesquels Marie Drucker ou Gérard Leclerc n'ont pas hésité à réaffirmer leurs inquiétudes dans Le Monde du 26 juin : "Aujourd'hui, notre chaîne est menacée dans son identité nationale et régionale (...) par des décisions politiques relevant d'enjeux qui la dépassent". Catherine Tasca, sénatrice des Yvelines, ancienne ministre de la Culture, craint également que "la manne publicitaire retirée à l'audiovisuel public ne vienne conforter les ressources de l'audiovisuel privé et son omnipotence en lui donnant tous les moyens d'imposer son modèle". (3)

          Et c'est précisément sur ce point que le bât blesse : cette réforme ressemble plus à un cadeau fait aux amis détenteurs de médias qu'à un véritable projet. Comment croire un président adepte de la communication politique à outrance, de l'hégémonie de l'image, du divertissement, de la loi du marché, de la diminution des fonctionnaires, amis des PDG des grands groupes de communication, lorsqu'il parle de programmes culturels, du théâtre, de livres ou de pérennisation du service public ? Et surtout, cette réforme était-elle nécessaire, aujourd'hui, maintenant ? Le pouvoir d'achat, la hausse intolérable du prix de l'essence, la crise sociale toujours plus intense, la réforme sérieuse de l'éducation nationale restent probablement, aux yeux de la majorité des Français, des priorités bien supérieures à la suppression de la publicité dans l'audiovisuel public.

          (2) Entretien paru dans Libération du 26 juin 2008.
          (3) Entretien paru dans
          Le Monde du 6 février 2008.

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